Extraits inédits d’Augures

face
l’empreinte acéphale d’un lézard

pile
la crête d’un roi

l’Idiot retrouvera une écaille de sa tête
entre ses doigts frotteurs d’écus

il en mourra de rire jusqu’à
retrouver son royaume peut-être

*
entre ses esgourdes brûlantes
sa tête cogne à sa carcasse

une remorque de phrases d’abattoir
qui dès l’éveil sonnent à cloche-fêlée

un âne blanc, hi ! la carriole pleine de têtes, han !
traverse la place à grand fracas

« cherche poète à main nue
pour taire un peu tout ça ! »

*
ouvert aux vertes vapeurs
le ventre des truies

les troncs en prière sur leur fente
la fuite d’une jument dans l’écume des morts

les averses sont venues décoller
les papiers peints des baraques flottantes

il est temps de partir
tout est prêt

*

la gueule du silence
taille son bec de lièvre

à percer la peau des sons inutiles
l’ouïe féroce et vivante
s’opercule

jouira-t-elle plus tard d’échos
remontés des os creux ?

*
se pourrait-il que les crapauds songent
à notre place ?

l’étang macère un chant du bout des herbes
un chant pur

plus qu’insensé
plus qu’un baiser

les cervelles des crapauds sont en cristal
on y voit au travers

*
ils battent leur mesure

échoués sur ce banc d’hiver
six vieux tout en doigts gourds
en douze étoiles autour de leurs genoux

ils ont bien le choix, tiens

serrer la goule du soir violet
manger froid la cire des offices
ou caresser les faux seins de la vierge

*
la rose (haïku de mauvais augure)

depuis Ronsard
aspermée plus qu’éclose en sa fin
fourrée d’ail au cul
par séries cadavérifiées

qui l’ose encore

est enfant

*
à te multiplier tu sors
imprudemment de l’invisible
tu t’agrippes à toi-même

tu comptes les cheveux
d’anges nés morts
dans la crinière de ton apocalypse

sous tes sabots vibre un fil tendu
mais à frotter contre la dent des cailloux
il rompt le partage des voix

tu croyais qu’elles te reconnaîtraient

*
Finbar des ondées a creusé
ongles en sang
sa fosse en travers de l’île

assis au bord il attend
la pluie qui ne vient pas
il faudrait la prier

freux chiens errants pies
attendent l’air de rien
en s’épouillant le ventre

il voudrait se laver
il voudrait se baigner
avant d’être mangé

*
le sel en cercle versé
improvise sa lumière

incorpore aux songes sa candeur

chaque cristal dépouille
la mort de sa douceur

le sel en cercle versé
interroge la soif

*
jette ta langue de serpe, Bud

que ton apex attaque
de front tous les galops

assoiffe ta meute
claque ta sangle

frappe d’ivoire
la corde ensauvagée du cœur

Cleopatra’s dream
bat la chamade j’ai peur de joie

tends ta peau, Bud Powel

*
dans la lune de mire
un vieux couteau n’a eu le temps
de happer l’or sitôt frappé

quelques danseurs poudrés
branlant dans leurs collants troués
remuent le charnier du cirque

y caressent la main lente
d’une écuyère tombée de son palefroi
les yeux dans les étoiles

toutes les nuits il rue
martèle sa danse inachevée
quand le hibou médite contre l’effroi

*
chétif à l’épreuve
presque à ras il tient
sur ses jambes de bois sec

la corde en sang s’use
déchire autour du cou la robe
plissée de l’âne buté

sa croix de Saint-André
le découpe en quatre morceaux
inégaux, délicats

*
mues d’âmes à dos d’âne
dessiquées par cent fards
au cirque foireux des foules

chacune pète au chapiteau
pour plus d’être avoir
réclame son aura son chromo

ça claque du fouet
caracole en foirade
mues d’âme à dos d’âne

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